Après procédure judiciaire, un regroupement d’enseignants qui vient de l’emporter sur l’Hôtel de Ville de Kinshasa se lance à la mise en valeur de l’aire qui, 16 ans durant, a abrité la décharge d’immondices du Centre d’Enfouissement Technique (CET) de Mpasa. L’occasion de circonscrire toute la problématique en termes des enjeux et risques.
Alors que les récentes études démontrent que chaque kinois produirait entre 0,64 et 0,7 kilos de déchet par jour, les autorités urbaines se mobilisent à fond pour trouver de site d’enfouissement pour les 10 000 tonnes de déchets que produit Kinshasa par jour. Cela faute de s’appuyer sur la continuité d’une pourtant concluante expérience menée il y a de cela une dizaine d’années.
A Mpasa 2, dans la concession de l’ancienne décharge publique de la ville de Kinshasa, il s’observe actuellement une poussée de constructions pour habitations, consacrant ainsi la débaptisation « Cité de l’enseignement » nouvellement accolé à l’aire.
Situé dans la commune de la Nsele au quartier Ngamaba 2, à la chute nette de la route goudronnée partant du Boulevard Lumumba par l’entrée Plazza le presqu’inhabité et vague, bouillonne pourtant de tension et de charge juridico-foncières.
Du CET au CEATR
L’Hôtel de Ville de Kinshasa (HVK) avait alloué ces 45 hectares pour utilité publique au Centre d’Enfouissement Technique (CET) dans le cadre du Programme d’Assainissement, de Réhabilitation et d’Aménagement Urbain de Kinshasa (PARAU). Actuellement, la première observation qui frappe quand l’on visite le site c’est d’abord la désignation des lieux qui est signifiée par une double enseigne « Cité de l’enseignement » et «Collectif des enseignants et alliés, acquéreurs des terres résidentielles », CEATR en sigle. Ce regroupement représente au fait un assemblage d’enseignants, d’infirmiers et de divers autres fonctionnaires de l’administration publique.
De vulgaires actes de spoliations à la consécration judiciaire
La concession CET a donc eu à faire objet d’une cascade des spoliations, squattings et trafics d’influence par des prédateurs de tout acabit.
Et, plutôt que d’être facilitateur, l’Hôtel de Ville de Kinshasa y est aussi allé de son rôle du plus trouble qui soit. Et ce, malgré son abandon de ce site suite au délitement du projet PARAU. C’est de ce pas la toute récente décision de justice vient de consacrer la primauté de jouissance de ce site querellé.
L’impasse sur les risques sanitaires
Il faut noter qu’au sortir de la prise judiciaire, c’est la donne « logements sociaux » a pris le dessus sur le site. Et, à l’opinion avertie de s’inquiéter des graves risques sanitaires auxquels s’exposent ses actuels ayant-droits. Déjà, lors de leur confrontation, le représentant de l’HVK avait pourtant averti sur le permanent problème de santé publique lié à production du lixiviat, liquide toxique découlant déchets enfouis et qui peut contaminer la nappe aquifère, les cours d’eau et ainsi que tout puits de forage qui peut être érigés dans les abords immédiats du site. Cependant le collectif des enseignants a tenu à aller jusqu’au bout de ses revendications, tournant même le dos aux mielleuses offres d’indemnisation offertes proposées par la Banque Mondiale.
Et KIN ELENDA qui croyait survivre au PARAU
Pourtant, à la faveur des accords de financement du Projet KIN ELENDA signés entre le gouvernement congolais et la Banque Mondiale, et ratifiés par la présidence de la République en 2021, la Banque mondiale s’est engagée à appuyer la Ville de Kinshasa dans la mise en place d’un système moderne de gestion de déchets. Alors que, dans le schéma opérationnel de ce système, le CET de Mpasa constituait un élément capital et une priorité. Le désaccord entre l’HVK et le collectif des enseignants s’en sera porté devant la justice. Ces derniers ayant obtenu gain de cause n’ont pas eu mieux à faire que d’opérer le dangereux choix d’aller lotir et habiter leur site à risque sanitaire si élevé.
Une viabilisation pourtant signée PARAU
Il faut noter que le site indexé couvre 90 hectares dont 41 étaient d’abord ciblés par le CET, et qui étaient au fait, à l’origine une vaste étendue vague, déshérité situé dans un coin presque inhabité. Un site idéal à lotir pour une hypothétique mise en valeur. C’est ainsi que des collectifs d’enseignants, d’infirmiers et autres fonctionnaires se l’étaient acquis par d’infimes cotisations des sociétaires. C’était des terres presque sans enjeu, hirsutes et déshéritées, situées à plus de 2 heures de marche du macadam, et bien entendu sans eau courante, ni d’électricité. Ce ne fut donc pas difficile à l’hôtel de ville de Kinshasa d’y négocier en 2010 auprès des enseignants acquéreurs pour cause d’utilité publique 45 des 78 hectares disponibles. Les contrats de location ont même été signés avec la République. Et la cohabitation HVK – collectif des enseignants aurait donc été pacifique. Au démarrage du CET, il n’y avait aucune agglomération, aucune présence humaine sur le site et aux alentours. C’est après seulement l’aménagement de la route d’accès par le PARAU, que les gens ont commencé à s’intéresser à cette partie de la Commune de la N’sele, qui est encore connue aujourd’hui sous l’appellation « Union européenne ». La route goudronnée joint utilement le boulevard Lumumba par la sortie arrêt « Plazza ». En outre, sans atteindre l’aire du CET, un autre projet d’électrification est passé par les environs avec la firme Anglo Belgian Corporation (ABC) qui a rendu accessible de l’électricité en mode prépaiement. Ce qui laisse entrevoir que dans un avenir pas très éloigné l’électricité allait atteindre la cité Union Européenne.
Et, avec ça, il n’en avait pas fallu plus pour viabiliser toutes les concessions environnantes. Toute la bourgeoisie kinoise a accouru dans le coin pour acquérir parcelles et concessions. Par ci l’on note l’émergence d’une opulente auberge taguée « Chez Mbikayi », du nom de l’ancien ministre Steve Mbikayi. Du coup, le prix du mètre carré s’est envolé. Et ce n’était donc aux agents de l’Hôtel de Ville qui accompagnaient les charrois de décharge qui allaient rester indifférents, d’où trafics d’influence et magouilles pour acquérir de terrain et/ou en revendre.
Des questions, et encore des questions
Au stade où on en est, l’opinion publique qui est pris dans la tourmente entre les impératifs fonciers des uns, la casse-tête de relocalisation des autres a du mal à voir clair à travers cet horizon trouble qui, sans faute, cache mal un drame humanitaire et écologique certain. C’est à cela que l’on attend l’Etat jouer de son rôle de prévoyance sociale et de sécurisation des biens et de personnes.