Dans un communiqué adressé à la presse le matin du mardi 30 juin 2020, le roi Philippe, roi des belges vient d’exprimer ses « plus profonds regrets » pour les « actes de violence » et les « souffrances » infligés au Congo léopoldien puis belge, dans une lettre adressée au président Félix Antoine Tshisekedi, à l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance de la République Démocratique du Congo.
Il a fallu certes pile de soixante ans pour en arriver là. L’âge même de l’actuel souverain belge qui n’aurait donc lui aussi dansé le Tchatcha Indépendant qu’en mode enregistré et cours d’histoire orientée. Ces regrets seraient donc un buvard des saisons 1884-1908 et 1908-1960 des toutes les atrocités infligées à notre peuple par un belge puis par l’état belge lui-même.
Pour la petite histoire, en 1882, Léopold II, roi des belges, juge le moment venu de prendre position au point de vue politique. Il substitue au Comité d’Etudes du Haut-Congo une Association Internationale du Congo (AIC) dont il est le dirigeant et sous le couvert de laquelle il peut plus facilement accepter le bénéfice des traités conclus avec les chefs locaux (congolais). Il cherche ensuite à faire reconnaître ses droits par les puissances étrangères.
Le 22 avril 1884, les Etats-Unis reconnaissent les premiers l’AIC comme autorité gouvernementale. Léopold II amène la France à réduire ses prétentions sur le Stanley Pool en lui octroyant un droit de préférence pour la reprise des territoires de l’AIC au cas où celle-ci en envisagerait la cession. Le roi utilise, en outre, le mouvement de sympathie suscité aux Etats-Unis par la lutte contre les marchands arabes d’esclaves.
L’existence du Congo est donc largement admise lorsque débute, le 15 novembre 1884, la grande Conférence de Berlin convoquée à l’initiative du chancelier Bismarck et à laquelle assistent les délégués de 14 Etats. Elle a pour objectif de s’occuper du partage de l’Afrique centrale au profit des nations européennes.
Aussitôt la mise en place terminée pour acter l’octroi du Congo au roi léopold II, commencent alors de pleuvoir quantités de plaintes sur les abus fomentés par les forces occupantes dont les cinglants épisodes de coupe de mains aux indigènes réfractaires ou fainéants à l’exploitation du caoutchouc. L’opinion mondiale en est très choquée et, des fortes pressions américaines et britanniques dont l’emblématique rapport du consul britannique Roger Casement au début du XXè siècle. Ainsi accablé et pataugeant dans un criante désuétudes financières, le roi Léopold II qui n’a jamais mis pieds dans sa « propriété privée » accepte finalement que la Belgique reprenne le Congo comme colonie directe en 1908. L’Etat Belge, qui ne demandait d’ailleurs pas mieux, jure tous ses dieux vouloir « faire mieux » que Léopold II et se veut « colonisateur exemplaire » (comparés à d’autres empires coloniaux). Simple déclaration d’intention vite battue en brèche… Pour ne pas trop « fouiner » dans ce passé honteux nous pouvons faire un bond patriotique jusqu’à l’ère de nos parents « évolués » tagués Lumumba, Kasavubu, Kalonji, Bolikango, Kamitatu… Et c’est de là que nous vient ce Tchatcha Indépendant qui cadence toute l’Afrique indépendante d’alors. Le Congo a rompu d’avec ses « oncles » belges. Un désamour qui se configurera en dent de scie tout au long des différents régimes qui vont se succéder. Ce serait infantilisant de remettre tous nos déboires actuels sur les dos belges, mais il serait tout aussi inepte de se refuser de l’admettre.
L’effet immédiat du repenti belge serai de voir la rue congolaise ressortir certaines « affaires » pour tenter d’obtenir réparation, est-ce seulement de cela dont notre devenir collectif attend de nos avunculaires partenaires de l’histoire ? La question demeure.
Ci-dessous, dans l’intégralité, la lettre de félicitations du Roi Philippe à Felix-Antoine Tshisekedi, président de la République démocratique du Congo à l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance du Congo.
« En ce soixantième anniversaire de l’indépendance de la République démocratique du Congo, je tiens à vous adresser ainsi qu’au peuple congolais mes vœux les plus chaleureux.
Cet anniversaire est l’occasion de renouveler nos sentiments d’amitié profonde et de nous réjouir de la coopération intense qui existe entre nos deux pays dans tant de domaines, et notamment dans le domaine médical qui nous mobilise en cette période de pandémie. La crise sanitaire nous frappe au milieu d’autres préoccupations. Le partenariat privilégié entre la Belgique et le Congo est un atout pour y faire face. En ce jour de fête nationale, je souhaite réaffirmer notre engagement à vos côtés.
Pour renforcer davantage nos liens et développer une amitié encore plus féconde, il faut pouvoir se parler de notre longue histoire commune en toute vérité et en toute sérénité.
Notre histoire est faite de réalisations communes mais a aussi connu des épisodes douloureux. A l’époque de l’État indépendant du Congo des actes de violence et de cruauté ont été commis, qui pèsent encore sur notre mémoire collective. La période coloniale qui a suivi a également causé des souffrances et des humiliations. Je tiens à exprimer mes plus profonds regrets pour ces blessures du passé dont la douleur est aujourd’hui ravivée par les discriminations encore trop présentes dans nos sociétés. Je continuerai à combattre toutes les formes de racisme. J’encourage la réflexion qui est entamée par notre parlement afin que notre mémoire soit définitivement pacifiée.
Les défis mondiaux demandent que nous regardions vers l’avenir dans un esprit de coopération et de respect mutuel. Le combat pour la dignité humaine et pour le développement durable requiert d’unir nos forces. C’est cette ambition que je formule pour nos deux pays et pour nos deux continents, africain et européen.
Les circonstances actuelles ne permettent malheureusement pas de me rendre dans votre beau pays, que j’aimerais tant mieux connaître. J’espère que j’en aurai bientôt l’opportunité. »
Freddy Kabeya